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Propos intempestifs, retours à la parole des anciens

Propos 14 : Bérénice Levet dénonce la "caverne" du wokisme

Un essai remarquable, peut-être "un livre-évènement", Le courage de la dissidence, L’esprit français contre le wokisme [1], d’une philosophe, Bérénice Levet, a vu le jour en novembre 2022. Il risque malheureusement, dans la forêt des parutions récentes, de ne pas avoir reçu l’accueil qu’il mérite, alors qu’il jette un éclairage des plus pertinents sur la situation cruciale que nous traversons en ce moment.





L’ouvrage s’inscrit totalement à contre-courant des tendances idéologiques lourdes de notre époque, n’hésitant pas à s’appuyer, pour affiner ses analyses, sur "l’esprit français" et sur la pensée des Anciens. Dans la foulée de ses derniers ouvrages publiés, Il s’agit, pour l’essayiste, de décrire les focalisations ou idées-fixes de la postmodernité (féminisme post-#MeToo, théorie du genre, écologisme, le wokisme venant maintenant couronner le tout). Si paradoxalement, en ce dernier essai, les écrivains du classicisme français et les Anciens sont convoqués, c’est parce que leurs pensées et leurs mœurs offrent une distanciation opportune, voire indispensable, permettant de cerner les illusions de notre temps, apportant même des alternatives originales et salutaires.


La méthode utilisée dans un premier temps est purement factuelle : elle consiste à saisir des indices convergents concernant certaines pratiques institutionnelles venant à se généraliser d’une manière des plus inquiétantes :


Chaque jour l’atmosphère se fait plus servilement identitaire, diversitaire, victimaire. On ne compte plus les expositions qui choisissent d’entrer dans l’histoire de l’art par le prisme féministe, homosexuel, racialiste. À peine a-t-il rouvert ses portes après deux années de travaux que le musée de Cluny programme un cycle de conférences sur le thème « La part des femmes. Genre et société en Europe à la fin du Moyen Âge » où, après avoir inventorié « les régimes de genre à la fin du Moyen Âge », un universitaire explorera « les genres fluides. De Jeanne d’Arc aux saintes trans. (Le Courage de la dissidence, p. 10)


Sont concernés par ces projets culturels les partisans dudit "wokisme" venu d’Amérique qui, lentement mais sûrement, parviennent à briser toutes les défenses de notre vielle culture française qui, jusque-là, restait puissante, quasi inattaquable. Ces partisans zélés sont loin d’être de simples troublions : ce sont des "spécialistes assermentés, universitaires, historiens, sociologues, commissaires d’expositions, conservateurs de musée et autres responsables de prestigieuses institutions culturelles" (p. 28). Le leitmotiv monotone et réducteur d’une "opiniâtreté déconcertante" consiste toujours à surévaluer : "l’identité de sexe, de sexualité, de race, de religion comme prisme, et le monde en blanc et en noir".


Très globalement, la suite de l’ouvrage développera une analyse en profondeur des causes du mouvement woke et de ses tendances totalitaires ("Comment nous en sommes arrivés là ?", p. 41), pour finir (p. 105 sq.) par une revalorisation de la spécificité de la culture française en tant que dernier bastion susceptible de résister à cette vague déferlante qui s’abat sur les nations occidentales.


Ne pouvant, en cet article, épuiser toute la richesse foisonnante de l’ouvrage, je me limiterai à distinguer trois thèmes ayant retenu mon attention : Constat d’une situation alarmante ; L’usage de l’imagerie platonicienne de la Caverne ; La liberté française selon le modèle du clinamen de Lucrèce. Je conclurai en formulant quelques questions.




Constat d’une situation alarmante


Il est loisible de penser que Bérénice Levet exagère, que toutes ces manifestations récurrentes en faveur des minorités soi-disant victimes d’un Occident essentiellement dominateur ne résultent que d’une lubie passagère des commissaires d’expositions en mal d’idées nouvelles. Certes, il s’agit de combler un grand vide des intellectuels qui, sans cette nouvelle manne du wokisme, semblent ne plus avoir grand-chose à dire. Bérénice Levet nous met en garde. Un tel mouvement ne saurait être anodin dès lors que l’idéologie pointe son nez. Les tribulations historiques, les totalitarismes du XXème siècle nous ont appris à ne plus sous-estimer l’énorme puissance des systèmes idéologiques ; or le wokisme s’impose comme le dernier avatar de la pensée progressiste infiltrant les institutions, cherchant à réguler, surveiller, sanctionner vie publique et vie privée.


Bérénice Levet s’inquiète particulièrement de la mainmise croissante du wokisme à l’école, comme en témoigne, entre autres, l’initiative d’une institutrice de Bagneux saluée par les autorités politiques et médiatiques, visant à promouvoir, sous le coup de profanations répétées de la Joconde, le multiculturalisme à l’anglo-saxonne. Bref, après la profanation par dérision de Marcel Duchamp s’insinue la récupération idéologique. Et cela devient très sérieux. Se centrer uniquement sur les identités raciales, culturelles, sexuelles, transgenres et religieuses devient la norme obligée, imposée aux enfants. L’universalisme français comme décentrement vis-à-vis des identités, pur produit d’une raison historique, semble bel et bien ringardisé, relégué aux oubliettes de l’histoire : "la possibilité de se quitter, de se décentrer, qui était la noble promesse de l’école, est une voie désespérément barrée à l’élève"(p. 27). Tout cela, à vrai dire, ne dérive pas que des outrances des adeptes de la théorie du genre et des étudiants fous-furieux des campus américains : une lourde responsabilité incombe à nos élites éducatives. Les pédagogistes des années 70-90 avaient dûment préparé le terrain, en ayant fait table rase, en ayant laissé les nouvelles générations et les maîtres sans défense. Le vide vulnérable et abyssal dans lequel nous sommes, que vient combler la nouvelle doxa persuasive du wokisme, est "le fruit d’une pédagogie dite progressiste de rupture de la tradition et de la transmission". D’où l’amer constat de la philosophe :


Ce point est important. Voici un demi-siècle que la France n’est plus donnée à connaître et à aimer. Et la première persuasion revient fatalement à la doxa relayée, ratifiée, consacrée par les réseaux sociaux, les séries télévisées et, last but not least, l’Union européenne (p. 23).


Significatif est l’emploi ici du mot grec doxa. Tous ces commissaires, intellectuels, journalistes, professeurs, tous ces artistes bien-pensants, tous ces faiseurs d’opinion se perçoivent comme des rebelles en rupture avec l’ordre établi. Curieusement, ils ne voient pas à quel point ils sont conformistes, à quel point ils sont devenus les complices et les suppôts du système dominant et omniprésent, les agents du « on dit » (p. 108), les thuriféraires de l’Establishment (GAFAM, Netflix, multinationales, Union européenne comme tremplin à la mondialisation, comme promoteur du Hidjab, etc.).


En opposition au multiculturalisme, B. Levet s’évertue à rappeler le caractère non identitaire de la nation française, dûment signalé jadis par Jacques Bainville : "Le peuple français […], c’est mieux qu’une race. C’est une nation" (cité p. 42). Alors que nombre de nations restent fondées sur une origine ethnique et linguistique (l’Allemagne est une nation devenue tardivement un État), la France, mosaïque de peuples avec, chacun, originairement un idiome ou une langue particulière (bretonne, provençale, occitane, basque, corse, picarde, alsacienne, etc.), ne peut être réduite à une identité. C’est un État moderne, westphalien, rationnel, devenu au fil du temps une nation, ayant constitué un peuple homogène par sa langue, ses mœurs et sa culture. Aussi nous faut-il préserver et cultiver le grand récit (au lieu de le déconstruire systématiquement) qui explicite et exalte ces acquis culturels irremplaçables que sont l’esprit français et sa littérature, fruits de cette longue construction réalisée tant par les rois de France que par les républicains — "récit que la République et l’école de la République ne (…) racontaient plus" (p. 134). D’où le surgissement de ce discours uniformisé et systématique prenant toute une place laissée vacante : le récit woke. Il faut se rendre à l’évidence que si la nature a horreur du vide, la société aussi.


Quoi qu’il en soit, on ne saurait ne pas insister sur le caractère des plus alarmants de la situation, résultant d’une manipulation idéologique à grande échelle, de cette toute-puissante doxa susceptible de faire sombrer notre nation dans un nouveau totalitarisme. Connaissant bien la pensée d’Hannah Arendt, Bérénice Levet constate que nous sommes en train franchir une ligne rouge, une "étape décisive" de non-retour, que la philosophe du XXème siècle avait dûment identifiée :


Doucettement, mais très sûrement, ce "wokisme de salon", selon l’expression, inspirée, de Pierre-André Taguieff, poursuit son œuvre et étend son domaine.

Dans son analyse des Origines du totalitarisme, Hannah Arendt avait identifié une étape décisive dans la conversion de l’Allemagne et de la Russie à des régimes totalitaires, le moment où la pensée raciale (le nazisme) et la pensée de classe (le marxisme) sortirent du cercle des militants pour être adoptées par les intellectuels et une vaste partie de l’opinion, lesquels n’acceptant plus une analyse des événements passés ou présents en désaccord avec l’une ou l’autre de ces perspectives. En sommes-nous si loin ? Quelle œuvre, quel événement, quelle action échappera à la grille de lecture wokiste ? (p. 16-17)


Alors que le wokisme grossier et militant mené par les abrutis de la cancel culture est publiquement désavoué par les autorités, le "wokisme de salon" se voit maintenant représenté au plus haut niveau de l’État par Emmanuel Macron lequel, sous le couvert du "en même temps", a pris soin de verrouiller progressivement tous les postes-clés du domaine culturel et éducatif. La nomination en 2022 du ministre de l’Éducation Nationale, le racialiste Pap Ndiaye, est la pièce maîtresse et finale de l’institutionnalisation du "wokisme de salon". Mais qu’en est-il exactement que ce genre apparemment inoffensif du wokisme, paradoxalement des plus dangereux ?


Le wokisme n’a pas toujours les armes à la main, déboulonnant les statues, les maculant de peinture rouge et de tags rageurs, mettant à l’index fiévreusement tel ou tel livre ou empêchant frénétiquement la tenue de spectacles ou de conférences. Il ne se signale pas nécessairement par des outrances ou des actions d’éclat. Il sait prendre des allures tranquilles, respectables, « cool », selon le portrait que brosse de lui-même le désormais ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye. Et c’est bien par là qu’il est le plus efficace, et aussi naturellement le plus redoutable (p. 16).


Les exemples de ce wokisme que se veut distingué sont légion, devenant aussi systématiques :


Peinture, musique, littérature, cinéma, science, partout on sort sa calculette : combien de femmes ? Combien de « non-Blancs » ? Combien d’homosexuels ? On se désole de ce que la « diversité mélanique », l’expression se lit dans le rapport sur la diversité à l’opéra, n’ait jamais été jusqu’à présent une question (p. 15).


Désormais, un opéra et une statue ne sont plus des expressions singulières, auto-suffisantes, offertes à notre libre appréciation : les œuvres devront impérativement être accompagnées du vademecum idéologique pétri de novlangue (un échantillon assez exhaustif nous est donné p. 14), resituées au sein d’un soi-disant "impensé colonial" : "L’opéra européen" serait "le point de vue sublime des dominants sur le monde : celui d’hommes européens blancs, au pouvoir ou proches de lui" (p. 12). L’objectif totalitaire relève initialement du "progressisme" issu des XVIIIe et XIXe siècles, d’une certaine vision des Lumières (puisque woke veut dire "éveillé") : changer l’homme, créer "un monde nouveau délivré des chaînes du passé, très exactement d’un passé regardé comme chaînes" (p. 147, n. 1). Le programme est alors de nous soumettre aux minorités, nouveaux prolétariats de la gauche-bobo (version écolo de l’ancienne gauche-caviar) — les minorités devenant dès lors les fers de lance du progrès :


Et là serait le nœud de l’affaire : englués que nous serions dans notre être d’Occidentaux, la lumière ne pourrait venir que de « nos victimes », elles seules pourraient se flatter de déceler ce fameux « impensé » colonial et/ou sexiste. Et chacun d’ânonner le refrain de la nécessité de « désoccidentaliser notre regard », de le « décentrer », de « faire place à l’altérité », ratifiant ainsi implicitement la thèse d’une essentielle partialité de l’intelligence occidentale (p. 58).


Bref, le respect moral élémentaire dû aux minorités devient idolâtrie et auto-flagellation. Comme si certaines dites "victimes de l’Occident" n’avaient pas elles-mêmes à assumer parfois un lourd passé colonial et esclavagiste, d’ailleurs autrement plus infamant, s’il en est, que le nôtre [2]…


Le fait est cependant que nous ne sommes pas sans ressources pour penser, analyser, disséquer, désamorcer la superficialité pour ne pas dire la bêtise crasse, des tenants du wokisme, fût-il de salon. Nous ne sommes pas non plus sans ressources pour détecter l’aveuglement pour ne pas dire l’abjection de ce mouvement qui tisse sa toile et se croit tout permis, osant juger la valeur des œuvres du passé à l’aune d’une vision étriquée du présent, osant les détruire, les profaner, les détourner idéologiquement. Oui, le mouvement woke part de très bonnes intentions (respect des minorités quelles qu’elles soient), mais comment peut-il encore exister de nos jours des quidams ne sachant toujours pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions, que la barbarie se pare souvent d’un visage humain ?


Examinons plus précisément comment Bérénice Levet convoque la pensée des Français et des Anciens à la fois pour mieux déceler les travers et les illusions du wokisme, et pour proposer quelque solution à ce carcan idéologique qui, suite au marxisme, enferme à nouveau les esprits dans un système.




L’usage de l’imagerie platonicienne de la Caverne


Un des coups de maître de Bérénice Levet est de révéler que le mouvement "woke de salon", en la personne même du président Macron, revendique en toute ingénuité, preuve d’une inculture philosophique stupéfiante tant du chef de l’État que de ses acolytes, de se faire l’écho de la doxa, d’être la "caisse de résonance" des soi-disant problèmes sociaux du moment, de ne devenir rien d’autre que la camera obscura d’une certaine vision stéréotypée, en un mot "la Caverne". Commettant un monumental contresens, nos élites perçoivent la situation des prisonniers enchaînés dans la Caverne de Platon comme l’expression béate d’une libération et d’un progrès. Voici comment, d’après B. Levet, surgit tout à coup cette Caverne quasiment revendiquée comme telle par nos bonnes élites juchées au plus haut niveau de l’État :


Un conseiller de l’Élysée explique ainsi que « ce qui a beaucoup intéressé le président, c’est que Laurence des Cars (nouvelle directrice du Musée du Louvre) sente que les débats de société sont entrés dans les musées » et qu’elle soit résolue à « accueillir la polyphonie du monde dans un musée en résonance » avec les questions actuelles et notamment « la place de la femme dans les collections ». Invitée de la matinale de France Inter au mois de mai 2021, l’intéressée confirmera « réfléchir à la manière dont le Louvre peut être pleinement contemporain » et exprimera sa volonté de transformer cette grande et belle mais vieille institution en « chambre d’écho de la société » – aveu terrible tant l’image évoque la caverne de Platon, mais aveu funestement vrai : les lieux d’instruction et de culture, loués et recherchés pour leurs vertus émancipatrices, n’ont plus d’autre ambition que de renchérir sur les échos et les ombres de la caverne, c’est-à-dire de la société (p. 11).


On ne peut que s’amuser de l’euphémisme "polyphonie du monde" quand le monde réel se voit livré aux violences, à l’insécurité grandissante, aux tensions sans nombre, aux discours vindicatifs, aux affrontements haineux [3].


Comment ne pas être en accord avec notre philosophe lorsqu’elle parle de "certitudes wokistes dont la caverne bourdonne" (p. 23) ? Tout homme de culture et de bon sens ne peut que s’en méfier comme de la peste. Le subterfuge est de transmuter le remède en poison mortel de la pensée. Tout au contraire, "nous avons besoin de la pensée en général et de l’art en particulier pour ne pas mourir d’asphyxie, asphyxie des échos sonores et creux de la caverne" (p. 29). On nous rebat sans cesse les oreilles de certains poncifs du genre "l’histoire du monde n’est rien d’autre que l’histoire de la domination de l’homme blanc, hétérosexuel et patriarcal". En réponse, B. Levet précise ceci : "pris par l’affairement et la turbulence de la vie, nous vivons dans le général et c’est la très profonde vérité de l’allégorie de la caverne que de nous peindre initialement, avant de nous aventurer hors de la caverne, ligotés et entourés de présences spectrales".


Nous ne voyons pas le réel, nous avons donc besoin du savoir pour nous libérer des ombres. De même, fort malencontreusement, l’ancienne vertu libératrice de l’art se voit désormais violée, bafouée, mise en pièces par les gardiens du temple eux-mêmes : "L’individualité des choses et des êtres nous échappe et c’est pourquoi nous avons besoin de l’art, confirme Bergson" (p. 78).


L’école de la République, qui était le grand et magnifique organe de transmission de la science digne de ce nom que Bachelard identifiait à une "abstraction" des ombres de la caverne [4], vise actuellement à nous y maintenir définitivement :


Une éducation au seul présent adapte le nouveau venu au monde comme il est et comme il va, en fait un parfait habitant de la caverne, docile perroquet des échos dont elle bourdonne. Quelle tristesse que d’entendre notre jeunesse rompue à la novlangue féministe, racialiste, à la grisaille d’une langue de carton et de ses mots d’ordre. Conséquence désastreuse d’une école travaillée par la hantise d’être en retard sur le monde et avide d’être « ouverte sur la vie » et se faire la chambre d’échos de la société – conséquence aussi du renouvellement des générations et de l’entrée en scène de professeurs eux-mêmes incarcérés dans la prison du présent (p. 83-84).



Concernant le grand texte du livre VII de la République, B. Levet y voit finalement le mythe fondateur de l’Occident, duquel se sont détournés nos chers progressistes, adeptes de la tabula rasa, "englués" autant qu’ils peuvent l’être dans la "dictature du on" :


L’allégorie de la caverne revêt un caractère fondateur pour nous, elle nous est une sorte de récit des origines. Au commencement était donc la Grèce, et très spécifiquement, le mythe de Platon : un homme enchaîné, c’est-à-dire captif des échos dont bourdonne la caverne, entouré de présences spectrales qu’il prend pour des réalités, aplani sur le présent et vivant à la surface de lui-même, englué dans cette modalité anonyme de soi qu’est le « on », sentant, jugeant, pensant comme on sent, comme on juge, comme on pense, prend la clef des champs, se risque hors les murs, fausse compagnie à ses semblables, en réalité, comme l’a montré Heidegger dans un magnifique texte sur « La doctrine de Platon sur la vérité », il ne quitte pas le navire, il reste embarqué, mais il suspend ses habitudes, le rapport utilitaire aux êtres et aux choses, et s’étonne, interroge, discute, dispute avec ses semblables… Plus rien ne va de soi, tout devient question.

Le penseur est ce taon auquel Socrate se compare, cette raie-torpille qui fait vaciller tous les repères de la certitude (p. 108-109).



Belle reprise par Bérénice Levet de l’imagerie platonicienne lui permettant d’atteindre, par-delà les ombres, les soubassements idéologiques qui nous enferment. En un faisceau de lumière, elle désamorce tout un système. Bel essai de clarification des enjeux du présent à la lumière des points de vue-phares du passé.

J’aurai cependant à revenir sur l’utilisation faite ici de la figure de Socrate. Examinons maintenant la référence de la philosophe au clinamen (déclinaison) des atomes chez Lucrèce, en vue de saisir la part de liberté qui nous échoit culturellement et naturellement, comme contrepoison aux dérives du wokisme.




La liberté française selon le modèle du clinamen de Lucrèce


Aux minorités qui se disent constamment "blessées" par une formule, un mot de travers, un soi-disant "dérapage" sur le chemin fortement balisé et surveillé de la bien-pensance, Bérénice Levet répond par l’esprit français, tout en déplorant son déclassement actuel :

Les jérémiades ne sont pas le fort de l’esprit français, mais qu’en reste-t-il aujourd’hui à l’ère post-#MeToo et post-Black Lives Matter ? (p. 93).

Pour cerner ce qu’est cet esprit rebelle, B. Levet consacrera de longs développements à Voltaire, "dont Roland Barthes disait magnifiquement qu’il avait su faire du combat pour la raison une fête" (p. 34).


Un tel esprit se revendique d’une pratique originale de la liberté, comme "pas de côté", "ironie", dont le paradigme, second coup de maître de Bérénice Levet, se trouve chez l’épicurien Lucrèce, avec le clinamen, nouvel antidote aux lourdeurs puritaines du wokisme :


Sans nier les déterminismes sociaux, historiques, psychologiques, la France est en effet cette belle audacieuse qui rappelle chacun à sa liberté, au jeu qu’il peut instaurer avec lui-même, au pas de côté qu’il lui est toujours loisible de risquer, en admettant l’existence de limites. Car, ainsi que l’a si puissamment établi Merleau-Ponty, s’il s’agit de « faire à la liberté sa part et lui donner quelque chose, il ne s’agit pas de tout lui donner ». Une philosophie de la liberté ne va pas sans une pensée de la passivité. Subtile dialectique de l’enracinement et de l’émancipation. Aux échecs, cette figure s’appelle la marche du cavalier. Chez Lucrèce, le clinamen, cette déviation toujours possible et souverainement imprévisible. Elle postule qu’il est en chacun de nous une enclave de liberté, et c’est à cette liberté que la République en appelle, c’est elle qu’elle éperonne, quand les féministes, les militants LGBT, les racialistes, les indigénistes garrottent l’individu à son sexe, à sa sexualité, à sa race, à sa religion. Plus de jeu, plus d’écart ! L’heure est à la pesanteur… (p. 105-106).


Lectrice de Simone Weil, B. Levet préfère de loin la notion concrète d’enracinement comme "besoin fondamental de l’âme humaine" (p. 133) à celle de l’identité, trop statique, trop ambiguë, trop défensive.

Par exemple, pour lesdites victimes des discriminations, l’identité, loin d’être une ressource, une richesse à faire valoir, tend à ne devenir que susceptibilité atrabilaire ("la tyrannie du bûcher des susceptibilités", p. 32).


Pour illustrer le caractère rebelle et actif propre à l’esprit français, Bérénice Levet, nouveau coup de maître, invoque le fier exemple de Cyrano de Bergerac (p. 34). Le personnage, face à l’agression verbale, ne se dit pas "choqué", scandalisé, ne pousse pas des cris d’orfraie, n’invoque pas les juges. Tout au contraire, il abonde dans le sens de l’agresseur en multipliant les qualificatifs à l’envi, lui révélant ainsi sa mesquinerie. Ce faisant, il ne fait pas abstraction de la disgrâce de son fameux nez-promontoire. Dans un duel tout en pas de côté, le personnage de Rostand parvient à s’en amuser, disposant pour cela de ressources infinies. Profondément enraciné dans la culture française, il peut transfigurer son défaut, en faire tout un jeu d’affirmations aussi époustouflantes que drôles. La liberté et le panache de Cyrano touchent au sublime. Le wokisme, tout au contraire, empêtré dans les "passions tristes" (p. 100) du ressentiment, renvoie chacun ad nauseam à ses déterminismes, se complaît dans l’indignation, dans l’incapacité totale de détourner sainement les agressions par le mot d’esprit. Il est vrai que tout le monde ne peut avoir la verve de Cyrano. Au moins disposons-nous d’un autre modèle que celui de l’individu dit "racisé" (ou bien de la-femme-ayant-soi-disant-toujours-été-exploitée) qui ne fait qu’accuser, se lamenter, qui ne cesse de ruminer sa vengeance.


Toutefois, s’il existe encore une liberté selon le progressisme, celle-ci, loin de résider en une "subtile dialectique entre enracinement et émancipation", n’est malheureusement que chimère et dangereuse illusion. Le progressisme a cru ainsi pouvoir rompre tout enracinement, tout déterminisme. Comme nous l’avons déjà vu, l’individu n’est dès lors réduit qu’à un vide sidéral.


Nous retrouvons les funestes prétentions des pédagogistes post-soixante-huitards :


On se souvient des propos de Vincent Peillon en 2012, alors ministre de l’Éducation nationale, qui donnait pour finalité à l’école d’« arracher l’élève à tous les déterminismes familial, ethnique, social, spirituel ».

L’expérience des quatre ou cinq dernières décennies nous a instruits : cette République abstraite ne libère pas les individus, elle les vide de toute substance et les livre pieds et poings aux maîtres de l’heure. L’individu « arraché à tous les déterminismes », lavé comme une grève, selon l’image empruntée à Baudelaire à laquelle j’ai eu recours lorsque j’ai évoqué la pédagogie progressiste, est la proie idéale des idéologies identitaires et diversitaires (p. 142).



Le clinamen épicurien exposé par Lucrèce a bel et bien une valeur paradigmatique. Le clinamen n’implique pas la négation, l’absence du déterminisme de la chute des atomes dans le vide, encore moins un arrachement total aux "prescriptions de la nature" (foedera naturae). Si ce n’est qu’existent ponctuellement, chez Épicure et Lucrèce, des déviations discontinues d’atomes, imprévisibles, ce qui rend, sur le plan de la physique, une once de liberté toujours possible.


Pour récapituler sur l’élan qui anime cet essai aussi riche qu’incisif, il convient de saluer l’audace peu commune de l’auteur. Confrontée à un environnement intellectuel des plus hostiles, prompt à extrême-droitiser (à vouer ainsi à la mort sociale) tous ceux qui rechignent à idolâtrer les minorités, Bérénice Levet démystifie courageusement cette nouvelle forme de religion et fait reconnaître, face à l’aliénation, la belle liberté française du "pas de côté".


Mon compte-rendu resterait incomplet s’il ne soulevait en guise de conclusion quelques questions que je me pose à moi-même, que je pourrais poser, bien sûr, à l’essayiste.



Quelques questions


Je m’interroge sur la possibilité du modèle français à pouvoir résister durablement à la déferlante woke, comme je m’interroge sur son caractère exportable. Il y a certes l’humour anglo-saxon comme version outre-manche non moins subtile que l’humour du pas de côté à la française. Mais ne voyons-nous pas chez nos amis anglais tous les stigmates d’un naufrage généralisé ? La perfide Albion semble bel et bien avoir rendu les armes, ensevelie sous le tsunami wokiste (affaires ou scandales de J.K. Rowling, du Prince Harry, etc.). Pour cause, son ADN depuis longtemps est multiculturaliste, communautariste (policiers en turban, cours de justices indépendantes appliquant la charia, etc.). À titre d’exemple, les Canadiens, dignes sujets de la couronne britannique, vivent désormais, sous Justin Trudeau, en plein Communautaristan.


Nul doute que l’esprit facétieux de Voltaire contre l’infâme reste un puissant antidote. Il ne s’agit en aucun cas de perdre de vue le fait que tout peut être prétexte à rire. Se présente néanmoins un maillon faible au sein de l’esprit voltairien très français, qui fait inversement la force du wokisme : l’absence chez l’un et la présence chez l’autre d’un discours sur la culpabilité.


Bérénice Levet, à cet égard, relève quelque chose de très significatif chez Voltaire :


L’homme est ce qu’il est, également traversé par le bien et le mal – car si Voltaire récuse le dogme du péché originel, ce n’est pas pour lui substituer, à la manière de Rousseau, une innocence primordiale que la civilisation aurait souillée. S’il décrit le mystère de la Chute, c’est qu’il lui semble bien présomptueux de postuler que l’homme puisse être autre et supérieur à ce qu’il est. Il y a chez Voltaire, et c’est bien ce qui le sépare de la niaiserie progressiste des voltairiens à la Homais, un pessimisme anthropologique.

Telle est la philosophie de Voltaire, sa sagesse, une philosophie de la finitude et de la réconciliation avec l’humaine condition. Pas d’horizon de fin de l’histoire, chez le combattant des Lumières, pas de grande réconciliation ultime. Pas de royaume à restaurer, pas de paradis sur terre à faire advenir. Pas d’humanité à régénérer (p. 123).



En réalité, la culpabilité travaille l’homme non seulement occidental mais tout homme et toute femme dans le monde, consciemment ou inconsciemment. Le ressort secret du wokisme est de fournir une nouvelle expression laïcisée de la culpabilité existentielle pour l’orienter vers ce réductionnisme politico-anthropologique à caractère fallacieux, aussi partial [5] qu’il veut radical. Le problème majeur est que l’Occidental ne parvient plus à se penser comme non coupable. Ainsi le wokisme trouve toute sa force en tant que succédané de religion, ceci à plus d’un titre [6]. Voici donc ma question de fond : ne faut-il pas renouer non seulement avec Voltaire mais aussi avec les religions du péché originel, sans quoi l’homme, dans le déni du mal qui est en lui et sans promesse de salut, risque de se manquer lui-même, de se perdre dans la frivolité et la superficialité du plaisir et même du rire ?


L’Europe et la France en particulier ne doivent pas seulement renouer avec le double héritage grec et voltairien : elles doivent aussi, me semble-t-il, assumer l’héritage chrétien pour pouvoir une bonne fois pour toutes éradiquer les funestes errements du wokisme. Bérénice Levet, nonobstant sa grande lucidité et son magnifique courage, semble avoir laissé de côté une chose. Elle cite à juste titre le Socrate du Ménon comme raie-torpille ; or Platon nous montre que ce même Socrate, questionneur infatigable, empêcheur de tourner en rond, en vient à introduire la doctrine de la réminiscence en évoquant les poètes orphiques dits "divins (theioi)", tels Pindare, qui tiennent un discours sur une faute relative à un ancien mal (poinan palaiou pentheos) dont il faut payer la rançon (dexetai). De même, le début du Phédon qui retrace l’état d’esprit de Socrate dans sa prison, au seuil de la mort, évoque une assignation à résidence (phroura) de l’âme dans le corps. Dans le Gorgias, Socrate invoque ceux qui voient le corps comme un tombeau de l’âme (sôma sèma).


Tous ces passages rapportant des dictons orphiques, se trouvent fort vraisemblablement à la source de l’imagerie de la Caverne [7], en laquelle, on l’a vu, les hommes sont assimilés à des prisonniers originellement enchaînés. Pourquoi seraient-ils enchaînés, sinon à cause d’une faute commise à l’origine des temps ?


Comme l’avait bien compris Gregory Vlastos, Socrate doutait de tout sauf de l’existence et de la puissance des dieux. Les textes nous montrent de même qu’il n’a jamais mis en doute l’existence d’un péché à l’origine d’une humaine condition prisonnière, qu’il se sentait investi d’une mission divine (tou theou latreia, in Apologie) et que, grand évergète, il œuvrait pour la libération spirituelle et le bonheur de ses semblables. Quoi qu’on en dise, Socrate n’était ni un "pessimiste anthropologique" ni un voltairien avant l’heure. Socrate ne serait-il pas finalement un meilleur rempart que Voltaire ?



J.-L. P.

07/05/2023


[1] Bérénice Levet, Le courage de la dissidence. L’esprit français contre le wokisme, Éditions de l’Observatoire, Paris 2022, 163 pages. Ce présent billet est la version complète d'une recension (version abrégée) publiée dans la revue en ligne Front populaire le 18/02/2023.

[2] Bérénice Levet : "On se souvient de Christiane Taubira déclarant qu’il convenait de passer sous silence la traite négrière musulmane afin que « les jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes (Express, 4 mai 2006) ». Si l’esclave est noir africain et l’esclavagiste blanc européen, alors il s’agira bien d’un crime contre l’humanité. Dans les autres cas, il n’y aura ni crime ni enseignement scolaire" (Le Courage de la dissidence, p. 90-91). Voir aussi Tidiane N’Diaye, Le génocide voilé, Folio, 2008, p. 255 : "Cette ignominie (l’esclavage) imposée aux peuples africains n’a fait l’objet d’aucune contestation par les intellectuels arabes. Pourtant, au cours des périodes abbasside, andalouse et fatimide, les Arabo-Musulmans, pour ne pas dire l’Islam, ont eu leur époque des Lumières". Par opposition, ce sont des religieux, des intellectuels et des philosophes occidentaux tels Bartolomé de Las Casas, Rousseau, Voltaire, l’abbé Grégoire, Kant, Hegel, etc. qui se sont opposés à l’institution de l’esclavage. La traite négrière a été abolie par les sociétés occidentales modernes, non pas par les sociétés musulmanes. T. N’Diaye cite une lettre édifiante de Saint-Exupéry à sa mère, du 24 Juillet 1927, qui se passe de commentaires : "Bonjour mère, Je vais bien (…). Nous employons comme manœuvres des Maures et un esclave. Ce malheureux est un Noir volé il y a quatre ans à Marrakech où il a sa femme et ses enfants. Ici, l’esclavage étant toléré, il travaille pour le compte du Maure qui l’a acheté et lui remet sa paie chaque semaine. Quand il sera trop fatigué pour travailler, on le laissera mourir, c’est la coutume".

[3] La polyphonie découverte et théorisée par les Médiévaux français (Pérotin, Léonin) est science de l’harmonie (impliquant les accords de quinte, d’octave et de quarte), écartant la dissonance du triton (diabolus in musica). L’harmonie relève de la Philotès (Amour) chez Empédocle, non pas de la Haine (Neikos).

[4] Gaston Bachelard, Le rationalisme appliqué, 1949, V, 5, p. 115 : "Sur le fond de la caverne, sur le tableau noir, on ne voit que l’ombre d’une grande vérité intelligible". Bachelard illustre cette thématique en expliquant que le théorème de Pythagore ne peut être réduit à la formulation : le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux côtés de l’angle droit. En fait, l’égalité des surfaces ne se limite pas aux seuls carrés mais vaut pour toutes surfaces de figures semblables construites sur les côtés et l’hypoténuse. D’où cette conséquence : c’est la similitude (idée abstraite et intelligible) qui est la "cause rationnelle" de l’égalité du théorème de Pythagore sur les carrés. La science permet ainsi de passer de l’ombre du tableau noir qui pose empiriquement des carrés, à la lumière de l’intelligible. L’identité n’est pas statique (limitée aux carrés) mais "continuée" par extension à toutes les figures semblables.

[5] Il y a bien un péché originel et une culpabilité des Woke, mais sans pardon. "Comme le note Chantal Delsol, à la suite de Bottum : « En affirmant une culpabilité sans pardon, les Woke ne laissent d’espoir qu’à la violence. Leur péché originel ressemble à une forme de manichéisme total, puisque seuls les Blancs en sont affligés (Ch. Delsol, La fin de la Chrétienté, Paris, Le Cerf, 2021, p. 129)". Ch. Delsol citée par Jean-François Braunstein, La religion woke (p. 66). 2022, Grasset.

[6] Jean-François Braunstein : "Le culte woke, comme bien d’autres cultes religieux, est un culte de victimes innocentes, injustement martyrisées. Durant ces cérémonies on s’agenouille pour s’excuser de ses péchés à l’égard des « racisés ». Des policiers aussi s’agenouillent mais cela ne suffit pas à beaucoup de manifestants qui veulent des « actes ». Nancy Pelosi et un certain nombre de membres démocrates de la Chambre des représentants se sont ainsi agenouillés dans le même but, même si, vu leur âge avancé, un certain nombre d’entre eux ont eu le plus grand mal à se relever" (ibid. p. 62-63). "Mais au-delà de cet idéal laïque ou capitaliste d’émancipation individuelle, il existe une vraie dimension religieuse chez certains propagandistes trans. C’est une nouvelle promesse qui est faite à ces « éveillés » qui ont compris que leur corps ne compte plus. Avec le changement de genre, il s’agit à proprement parler d’une nouvelle naissance. Comme le notait jadis une grande spécialiste du transsexualisme, « les transsexuels parlent souvent de leur opération de conversion de sexe comme d’une nouvelle naissance. Ils ont le pouvoir de surmonter le destin de leur naissance et de se faire autres que leurs parents ne les avaient faits ». Avec ce que les Anglo-Saxons appellent le passing, le passage d’homme à femme ou inversement, il s’agit d’un vrai « rite de passage » en un sens quasi religieux" (p. 118-119).

[7] Cf. le traducteur-commentateur Georges Leroux, in Platon, République, notes du Livre VII, n. 1, p. 674 GF 2002 : "La situation d’origine (des prisonniers dans la caverne) n’est cependant pas expliquée ni rapportée à une cause particulière qui serait responsable de l’enchaînement des prisonniers. L’abandon des prisonniers peut être rapporté au thème orphico-pythagoricien de la prison du corps pour l’âme". Rajoutons ceci : dans les Lois, à la fin de sa vie, Platon a repris le thème de la Caverne qui se trouve être l’antre de Zeus du mont Ida en Crète où, selon la tradition, Pythagore aurait séjourné. Notons que l’Athénien des Lois, masque de Platon, accomplit le chemin inverse de celui décrit par Socrate dans la République : muni d’un nouvel appareil législatif conçu à la lumière de l’intelligible pour éradiquer les ombres, l’Athénien va pouvoir descendre dans la Caverne qui n’est autre que la société livrée à elle-même. Bérénice Levet a mille fois raison : il ne s’agit en aucun cas, pour Platon, de se mettre à l’écoute de la doxa, de la chambre d’écho des bruissements de la société.

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